Faut-il nourrir les oiseaux en hiver?
421 millions d’oiseaux communs ont disparu en Europe. C’est ce qu’indique une étude publiée en 2014 dans la revue scientifique Ecology letters. La destruction de leurs habitats les prive de nourriture mais aussi de refuge face aux prédateurs et aux intempéries. De plus, les insectes sont un chaînon indispensable de la chaîne alimentaire des oiseaux. Leur déclin dû à nos pratiques agricoles participe également certainement à la baisse des effectifs (En 10 ans, deux tiers de la masse totale des insectes ont disparu dans les zones proches de zones cultivées).
Notre impact sur les espèces d’oiseaux, même les plus communes, est dramatique. Comment ne pas se sentir concerné par cette hécatombe et tenter de rééquilibrer la donne ? Alors qu’ils mangent des insectes l’été, le régime alimentaire de certains oiseaux devient végétarien l’hiver. Mésanges bleues et charbonnières, accenteur mouchet, chardonneret, pinson, rouge-gorge, Sittelle se nourrisent alors de graines, fruits, baies et bourgeons. Nourrir les oiseaux en hiver en leur apportant des graines permet d’améliorer la survie hivernale des oiseaux, mais également de sensibiliser les gens grâce à l’observation des mangeoires. On a alors envie de préserver ce que l’on connaît… Cependant, notre intervention ne va-t-elle pas créer un déséquilibre encore plus important?
Les conséquences négatives d’un nourrissage hivernal
Nourrir les oiseaux modifie la répartition des espèces dans le milieu naturel. Les espèces nourries par les humains se développent mieux, au détriment des espèces qui ne viennent pas aux mangeoires. Ces nourrissages peuvent permettre à certaines espèces invasives (pigeons) et exotiques (perruche à collier) de se développer en modifiant notamment le cycle de reproduction. La physiologie même du bec de l’oiseau serait modifié par le nourrissage des oiseaux : les mésanges charbonnières nourries aux mangeoires auraient un bec plus long que les mésanges dans l’espace naturel.
La concentration d’oiseaux au même endroit peut également favoriser les prédateurs, et la transmission de maladies.
D’un autre côté, d’autres études démontrent que la supplémentation alimentaire améliore l’espérance de vie et la reproduction de certains oiseaux. En Grande-Bretagne, sur les 39 espèces se nourrissant dans les jardins étudiés, les deux tiers affichent un changement positif significatif dans la durée.
Nourrir les oiseaux en Permaculture
En Permaculture, l’oiseau doit être considéré comme faisant partie de l’écosystème. Un maillon indispensable, qui a son propre rôle à jouer pour rendre le milieu plus équilibré, plus résilient et ainsi nous rendre des services au potager ou au verger. Certains oiseaux jouent notamment le rôle d’auxiliaires en se nourrissant de carpocapses (ver de la pomme), chenilles, pucerons. Seuls des milieux diversifiés peuvent favoriser l’installation des oiseaux, leur apportant refuges et alimentation. Dans un jardin diversifié, la supplémentation alimentaire est nécessaire uniquement en période de gel, ou de neige.
Une haie libre diversifiée fournira aux oiseaux le gîte et le couvert pour toute l’année. Si vous avez de la place, installez par exemple une haie façon forêt-jardin.
Plantez quelques arbustes denses et épineux pour les abriter des intempéries, notamment hivernales (prunellier, ronces, aubépine, églantier). D’autres végétaux peuvent leur fournir des graines (aulne, charme, hêtre), des baies et fruits (Sureau noir, sorbier, aubépine, fusain, cornouiller, troène, viorne, épine noire, pommier Evereste), ainsi que des bourgeons. Laissez le lierre envahir quelques arbres, c’est un vrai refuge pour la biodiversité et également une source de nourriture.
Les fleurs et légumes du jardin ou du potager montés en graines fournissent des graines aux oiseaux (agastache, tournesol, œillet d’inde, cosmos, basilic, aneth, fenouil). C’est le cas également de la flore spontanée (pissenlit, plantain majeur et lancéolé, cardère, mouron des oiseaux): laissez si possible des zones en prairie «sauvage».
Avant et pendant l’hiver, ne taillez pas les haies et laissez en place les tiges sèches des herbacées (attendez la fin de l’hiver pour les couper). N’oubliez pas de rendre accessible un point d’eau dégelé.
Nourrir les oiseaux en hiver : les bonnes pratiques
Si votre jardin ou votre balcon est trop petit, ou moins diversifié, alors les oiseaux sont moins autonomes pour leur nourriture. Un nourrissage régulier tout au long de l’hiver est conseillé. Il faudra par contre ne pas cesser cette supplémentation brutalement, au risque de voir mourir de faim les oiseaux. Veillez à ce que les oiseaux aient un point d’eau non gelé lors des périodes de grand froid.
La pratique est réglementée pour chaque département par l’article 120 du Règlement Sanitaire Départemental. D’une manière générale, elle est interdite dans les lieux publics et autorisée dans les lieux privés à conditions de ne pas gêner les voisins, de ne pas favoriser des espèces invasives (pigeons, rongeurs…), ou des espèces porteuses de maladies transmissibles à l’homme.
Pour diminuer les risques de transmission de maladies, installez plusieurs mangeoires que vous utilisez alternativement. Désinfectez-les en début de saison et nettoyez-les régulièrement.
La LPO fournit de nombreux conseils pratiques pour nourrir les oiseaux en hiver: la mise en place des mangeoires, leur entretien et la nourriture à apporter.
Et après l’hiver ?
Continuer le nourrissage des oiseaux après l’hiver est déconseillé. Notamment parce que beaucoup d’oiseaux n’ont plus le même régime alimentaire, mais se nourrissent de larves, d’insectes… Laissez-leur nous rendre service à leur tour et nous débarrasser de certains ravageurs au potager et au verger !
Le BirdLab
Si vous aimez observer les oiseaux sur votre mangeoire en hiver et que vous aimez les jeux, participez au BirdLab. L’application propose des entraînements pour reconnaître les oiseaux, puis de jouer à des parties de sciences participatives. Equipé de vos deux mangeoires, il s’agit de recenser pendant 5 minutes les allers et venues des oiseaux sur vos mangeoires. Les données récoltées sont alors traitées pour recueillir des informations sur le comportement des oiseaux.